S’approprier (accord du participe passé)

 

Ils se sont appropriés le titre de…

Ils se sont approprié le titre de…

 Divergence de vues

 

N.B. À moins d’indication contraire, tout nombre mis entre parenthèses et précédé d’un croisillon, ou carré [ # ] (à ne pas confondre avec un dièse [ ♯ ]), renvoie à un article du Bon Usage de Maurice Grevisse (11e éd. revue, 1980, Duculot/ERP).

 

« Le public et les peintres se sont appropriés ce terme… »
« Ils se sont appropriés le titre de docteur. »

S’agit-il de l’amorce d’un prochain BILLET ou de deux FAUTES d’accord?

Voilà le commentaire qu’un correspondant m’a récemment fait parvenir. Je lui ai répondu sur-le-champ : « Je dirais : un peu des deux. »

Je suis bien conscient que cette réponse, on ne peut plus laconique, ne comblera mon correspondant qu’à moitié, peut-être même pas du tout. Pour ne pas le laisser croire que c’est une façon polie d’écarter du revers de la main son  commentaire que je pourrais trouver embarrassant, j’ai décidé de faire d’une pierre deux coups : rédiger un BILLET dans lequel je tenterais de le convaincre que je n’ai pas fait de FAUTES. Grosse mission ou mission impossible?… À vous de juger.

Voici donc ma réponse détaillée.

Clairement, l’accord qu’en toute connaissance de cause j’ai fait du participe passé de s’approprier ne plaît pas à mon correspondant. Il y voit une faute. C’est du moins ce que je comprends de son commentaire, qui se veut poli. Alors lequel des deux a raison? Lui ou moi? Si, évidemment, seul l’un des deux a tort.

Étant présumé fautif, c’est à moi de me défendre.

Aurais-je fait une faute d’inattention?… Toujours possible, j’en conviens. Qui n’en a jamais fait?… L’excuse — si l’on peut appeler cela une excuse — est d’ailleurs toute trouvée : Errare humanum est. Soit. Mais… faire la même faute deux fois, dans le même texte, à quelques phrases d’intervalle, est-ce vraiment de l’inattention, de la distraction? Non, direz-vous. Et vous n’auriez pas tort. Vous y verriez, j’imagine, de l’ignorance. De l’ignorance crasse?… N’exagérons rien. Ce serait plutôt de la méconnaissance (mot moins fortement connoté qu’ignorance). Méconnaissance des règles d’accord du participe passé. Méconnaissance dont Vaugelas, dans ses Remarques sur la langue françoise [sic], se plaignait déjà en 1647 :

« En toute la Grammaire Françoise, il n’y a rien de plus important, ny de plus ignoré. Je dis, de plus important, à cause du frequent vsage des participes dans les preterits [ancien terme pour dire : temps au passé], et de plus ignoré, parce qu’vne infinité de gens y manquent. »

   Si, encore aujourd’hui, on trouve à s’en plaindre à l’occasion [ce que mon correspondant semble faire], c’est que cette règle doit être plutôt alambiquée. Et que la maîtrisant mal, j’aurais fait une erreur. Une double erreur.

Mais est-ce vraiment ma méconnaissance de la règle en question qui expliquerait cette présumée double faute? Je dis présumée, car il est un principe qui veut que toute personne mise en cause soit considérée innocente tant que sa culpabilité n’est pas clairement établie.

Alors… en supposant que l’accusation est recevable, quelle pourrait-être ma ligne de défense?… Que diriez-vous de : « Si ce n’était tout simplement pas une faute, mais plutôt une divergence de vues »? Euh!…

« La parole est à la défense. »

Entendons-nous d’abord sur le sens du mot faute.  

Pour moi — tout comme pour mon correspondant, j’en suis sûr —, une faute, c’est un « manquement à la règle », chacun considérant qu’il y a faute quand il y a écart entre ce qui doit et ce qui est. Par ce qui doit, j’entends ce qui nous a été enseigné et que nous nous devons de respecter; par ce qui est, l’usage que les autres font de cet enseignement. Je dis les autres parce que personne ne fait délibérément une faute. Ni vous, ni moi. La faute, c’est toujours l’autre qui la fait.

Jusque-là, je dirais que mon correspondant et moi sommes sur la même longueur d’onde : tout écart à ce que chacun de nous a appris — ou compris — constitue une faute aux yeux de l’autre.

Le désaccord, apparent ou réel, entre mon correspondant et moi tiendrait donc essentiellement à la nature de ce qui doit.

Ai-je vraiment fait une faute? Pire… une double faute?

Si vraiment faute il y a, ce n’est pas une faute d’inattention, je l’ai déjà dit. C’est sciemment que j’ai fait l’accord, présumé fautif, est-il besoin de le préciser. Serait-ce alors une faute intelligente, ce genre de faute que la logique nous commande de faire, mais qui contrevient, sans qu’on le sache, aux diktats des régents? (Voir ICI) La chose est possible, mais à une condition : ne pas connaître la règle d’accord. Sinon, ce serait leur faire un pied de nez. Ce que je n’oserais jamais faire, vous l’imaginez bien. Mon correspondant, non plus, j’en suis sûr.

Où est donc l’erreur? Tout se ramène, semble-t-il, à une simple question de grammaire. Mais… comment cela pourrait-il être possible? Y aurait-il deux règles qui se contredisent?… À moins qu’il s’agisse d’une seule règle dont l’interprétation serait laissée à la discrétion de son utilisateur. Si tel était bien le cas, ce serait drôlement dérangeant. Voyons voir.

Règle d’accord du participe passé

Cette règle est-elle aussi alambiquée qu’on le prétend? Assurément pas. Rappelez-vous ce que dit la grammaire :

–  Le participe passé conjugué avec être s’accorde en genre et en nombre avec le sujet du verbe (# 1907) : Vos raisons sont admises. Ils sont arrivés hier.

–  Le participe passé conjugué avec avoir s’accorde en genre et en nombre avec son objet direct quand cet objet le précède (# 1909) : J’avais prévu ces conséquences. Ces conséquences, je les avais prévues. (Voir ICI, pour plus de détails.) 

Il n’y a là rien de bien compliqué, vous en conviendrez. Du moins en apparence.

Comment expliquer alors que son application soit si souvent prise en défaut? C’est que… les apparences sont souvent trompeuses. À preuve, les deux cas particuliers d’accord du participe sur lesquels je me suis déjà penché : 1) quand le complément d’objet est en [Voir ICI]; 2) quand le complément est gens [Voir ICI]. 

Et ce ne sont pas les deux seuls, je vous prie de me croire. Le Bon Usage regroupe les cas d’exception sous l’intitulé Règles particulières. Elles ne couvrent pas moins de 38 pages et font l’objet de 35 articles (# 1911 – 1946)! Alors, dire que ces règles sont alambiquées peut difficilement être qualifié d’exagéré. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle leur enseignement semble toujours s’imposer. Même à des traducteurs en exercice!…

C’est d’ailleurs parmi ces règles particulières que se trouvent celles du participe passé des verbes pronominaux. Est-ce à dire que, pour ne pas faire de faute d’accord, il suffit de les connaître et de les appliquer tout bonnement? On le souhaiterait, mais tous ne semblent pas du même avis. J’en connais au moins deux, grammairiens de leur état, qui ont déjà souhaité qu’il en soit autrement. Je parle ici de René Georgin (1888-1978) (1) et de Joseph Hanse (1902-1992) (2). Ils ont tous deux, sans grande surprise, passé l’arme à gauche sans avoir vu leur rêve devenir réalité. 

Voyons ce qui, à leurs yeux, méritait d’être simplifié et qui ne l’est toujours pas.

Les verbes pronominaux

Même si, du point de vue de leur forme, tous les pronominaux se ressemblent à s’y méprendre : ils se construisent tous avec un pronom de la même personne que le sujet, du point de vue du sens qu’ils véhiculent, il en est bien autrement.

Pour les décrire, les régents ont fait preuve de beaucoup de créativité lexicale. La terminologie varie selon l’ouvrage consulté; ce qui complique l’existence de celui qui, ne se contentant pas d’une seule source, décide d’en consulter d’autres. On rencontre : verbe pronominal réfléchi, non réfléchi, réciproque, subjectif, passif ou de sens passif, proprement dit ou encore verbe essentiellement ou accidentellement pronominal. Et le nom donné au pronom qui caractérise tout verbe pronominal est à l’avenant : pronom réfléchi, conjoint, censément préfixé ou encore agglutiné. Le buffet est dressé, pourrait-on dire. À vous de choisir. Moi, j’ai opté, non sans raison(s) (3), pour conjoint.

Accord de leur participe passé

L’accord du participe passé de ces différents pronominaux présente, lui aussi, vous l’imaginez bien, quelques pièges. Sans eux, la langue française ne saurait être ce qu’elle est. Certains ont même l’outrecuidance de prétendre que c’est ce qui fait sa beauté! Mieux vaut, je vous dirais, entendre cela qu’être sourd!  Et ce, même si les régents font tout pour nous convaincre du contraire. La différence d’accord tient, selon eux, à l’analysabilité du pronom conjoint. Tout simplement. Vous l’analysez et le problème est réglé! Vous en doutez?… Voyez par vous-mêmes.

A-   Si ce pronom NE PEUT PAS être analysé comme un complément d’objet, l’accord du participe se fait en genre et en nombre avec le sujet.

C’est clair, net et précis. Soit. Mais de quels genres de verbes pronominaux parle-t-on ici?

– Des pronominaux de sens passif : Cette maison s’est vendue à bas prix (= a été vendue à bas prix).

– Des verbes essentiellement pronominaux, i.e. ceux qui n’existent que sous la forme pronominale : Ils se sont souvenus de cet accident.

À une exception près, et une seule, nous dit l’Académie : s’arroger.  Nous y reviendrons.

– Des verbes, transitifs ou intransitifs, employés pronominalement : Elle s’est aperçue de son erreur. (Elle a aperçu [v. trans.] cet obstacle à la dernière minute.) / Des oiseaux se sont nichés dans des crevasses de la falaise (La cigogne a niché [v. intr.] au sommet de la vieille cheminée).

B-   Si ce pronom PEUT être analysé comme un complément d’objet, l’accord suit la règle qui s’applique aux participes employés avec l’auxiliaire avoirc’est-à-dire que le participe s’accorde uniquement si son complément d’objet direct le précède : Elles se sont lavées (elles ont lavé qui? Se, c’est-à-dire « elles-mêmes ». / Elles se sont lavé les mains (elles ont lavé quoi? Les mains / À qui? à Se, c’est-à-dire à « elles-mêmes »).

Il est vrai que, présentée ainsi, cette règle semble être d’une application fort simple. D’une simplicité enfantine, diront certains. Il suffit, semble-t-il, d’analyser la fonction du pronom conjoint, et le tour est joué…

Le différend qui est à l’origine de ce billet devrait donc pouvoir être réglé « en criant ciseaux », comme on dit couramment dans mon coin de pays (ailleurs on dira « en deux temps, trois mouvements »). Du moins en apparence. Si je dis en apparence, c’est que Grevisse nous sert une mise en garde que je qualifierais de fort pertinente :

« Il est parfois difficile de discerner la valeur du pronom réfléchi [que moi j’appelle conjoint] dans les verbes pronominaux. » (# 1945)

Cette remarque m’amène à me demander si ce ne serait pas le cas du pronom dans s’approprier. Voyons voir.

Analyse du pronom conjoint dans S’approprier  

Ce pronom est-il analysable? Peut-on lui attribuer une fonction grammaticale? C’est la réponse à cette question qui décidera qui, de mon correspondant ou de moi, a raison. Si, évidemment, l’autre a tort.

Dans la phrase « incriminée » : Ils se sont appropriés le titre de…, le pronom se joue-t-il le rôle d’un complément d’objet. La réponse est NON. Ni d’objet direct (COD), ni même d’objet indirect (COI).

Il ne peut pas être un COD, car un verbe n’accepte deux compléments de même nature que s’ils sont coordonnés (ex. Il a reçu un foulard et des gants) ou séparés par une virgule (Il a reçu un foulard, des gants et une tuque). Dans la phrase incriminée, il n’y a qu’un seul COD et ce n’est pas le pronom se. C’est le titre de…

Ce pronom ne peut pas non plus être un COI. La phrase ne peut être reformulée de la façon suivante : ils ont approprié à eux (forme réfléchie) le titre de…. Approprier à quelque chose ou à quelqu’un se dirait, d’après Le Petit Robert, mais rarement. Ce n’est pas sans raison que, dans ce dictionnaire, cet emploi est précédé de la marque d’usage Didact. Moi, je ne l’ai personnellement jamais rencontré, encore moins utilisé en tant que tel. Et vous?…  

Si s’approprier n’est pas un verbe pronominal réfléchi, il ne peut qu’être pronominal non réfléchi ou subjectif. Et, dans un tel cas, la grammaire nous commande d’accorder le participe passé avec son sujet (4). Je ne peux donc pas avoir fait de faute, puisque j’ai appliqué cette règle à la lettre.

Il est un autre argument que je pourrais invoquer pour justifier ma façon de faire : s’approprier est, selon moi, un verbe essentiellement pronominal, i.e. qui n’existe qu’à la voix pronominale. Et en tant que tel, son participe passé s’accorde, nous dit la grammaire, avec son sujet : Elle s’est évanouie à cause de la chaleur (évanouir n’existe pas). Elle s’est souvenue de vous (souvenir n’existe pas).

Ai-je raison de considérer s’approprier comme un verbe de ce type? Voyons voir.

S’approprier : verbe essentiellement ou accidentellement pronominal?

Certains objecteront que ce verbe n’est pas, comme je le prétends,  essentiellement pronominal; que je fais erreur en le disant tel. Soit. Mais sur quoi se basent-ils pour dire que j’ai tort? Qui appellent-ils in petto à la barre?… Fort probablement leur Petit Robert!

En effet, dans ce dictionnaire, tout comme dans le Petit Larousse, tout verbe essentiellement pronominal se voit au premier coup d’œil : le pronom conjoint fait partie du mot vedette; il est mis entre parenthèses juste après le verbe : désister (se) / absenter (s’) / démener (se) / évanouir (s’). Quand le verbe n’est qu’accidentellement pronominal, le pronom conjoint n’est pas accolé au mot vedette, puisqu’il ne fait pas corps avec lui. Cet emploi particulier se trouve consigné ailleurs dans l’article. Et c’est précisément la façon dont le verbe mis en cause ici est présenté dans Le Petit Robert :

approprier [apʀɔpʀije] verbe transitif

  1.  Vx   Attribuer en propre à qqn.
  2.  Didact.   Rendre propre, convenable à un usage, à une destination.
  3.  (1548)   Cour.  Sapproprier : faire sien; s’attribuer la propriété de (une chose concrète ou abstraite).

C’est la preuve, irréfutable aux dires de certains, qu’il s’agit bel et bien d’un verbe accidentellement pronominal et qu’à ce titre son participe ne s’accorde pas avec le sujet, mais bien avec son COD si ce dernier le précède.

Voilà un argument que pourrait invoquer mon correspondant pour justifier l’accord qu’il aurait aimé m’avoir vu faire : Ils se sont approprié le titre de …. D’autant plus que, dans toute liste de v. essentiellement pronominaux, comme celle que présente l’OQLF (Office québécois de la langue française) s’approprier brille par son absence. Ce verbe ne peut donc être qu’accidentellement pronominal. L’accorder comme je le fais (i.e. avec son sujet) contrevient à ce que la grammaire nous enseigne (= ce qui doit). C’est donc moi le fautif.

Devrais-je faire mon mea-culpa?

Il vous faut savoir que battre ma coulpe n’est pas chez moi un réflexe conditionné. Une accusation  ne me fait jamais courir au confessionnal. Je n’ai pas la culpabilité facile, pourrait-on dire. Sauf évidemment quand la preuve est irréfutable. Ce qui, d’après moi, n’est pas le cas ici.

Il est vrai que, selon la grammaire, la règle d’accord du participe passé des verbes accidentellement pronominaux est la même que celle du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir et qu’en conséquence je ne peux pas écrire : Ils se sont appropriés le titre de… Soit. Mais…

Mais prétendre que s’approprier est accidentellement pronominal parce que, dans Le Petit Robert, le pronom conjoint ne fait pas partie du mot vedette ou encore parce qu’il ne figure pas parmi les verbes reconnus essentiellement pronominaux, ne me convainc pas. Je m’explique.

Selon la grammaire (# 1388) : « Les verbes pronominaux subjectifs [ou non réfléchis] ont souvent, s’ils sont accidentellement pronominaux, une signification plus ou moins différente de celle du verbe à l’état simple. » Et les exemples cités (Apercevoir, s’apercevoir / Mourir, se mourir / Oublier, s’oublier / Plaindre, se plaindre) sont assez éloquents. Mais cette différence de sens dont parle Grevisse peut-elle aller jusqu’à être totale? Sans hésitation, je réponds NON. Pour qu’un verbe soit dit accidentellement pronominal, il faut qu’il ait le même sens qu’à la voix active, à quelques nuances près (ex. :  S’OUBLIER : ne plus penser à ce qu’on est/ OUBLIER : ne pas penser par négligence). Sinon, comment pourrait-on qualifier d’accident l’acquisition d’un sens qui diffère totalement de celui du verbe à la voix active? Moi, je n’appellerais pas cela un accident, mais plutôt une métamorphose, i.e. un « Changement de forme, de nature ou de structure, si considérable que l’être ou la chose qui en est l’objet n’est plus reconnaissable ».

Ne serait-ce pas le cas de approprier et s’approprier?

Pour le savoir, il suffit d’attribuer au verbe pronominal le sens qu’a le verbe à la voix active. Voyons ce que cela donne : Ils se sont appropriés le titre de… devient Ils ont « rendu propre, convenable à un usage, à une destination » le titre de… Clairement cette phrase n’a rien à voir avec la phrase utilisant le verbe pronominal. Dans cette dernière, le verbe veut dire s’attribuer la propriété de… Malgré leurs airs de famille, incontestables, approprier et s’approprier ne sont pas aussi parents qu’on le voudrait! C’est ce qui me fait dire que son emploi à la voix pronominale n’est vraiment pas accidentel. Qu’il s’agit bel et bien d’un verbe essentiellement pronominal, car il n’a ce sens qu’à la voix pronominale.

Mais, si, tout comme moi, mon correspondant n’a pas la culpabilité facile, il pourrait me rétorquer que mon propos ne tient pas la route; que Le Petit Robert me donne tort, car la première acception que cet ouvrage donne de ce verbe à la voix active est : « Attribuer en propre à qqn ». Conséquemment, employé de façon pronominale, il signifierait attribuer en propre à soi-même. Ce qui est le sens que reconnaît le dictionnaire à ce verbe employé pronominalement. S’approprier serait donc un verbe accidentellement pronominal et, à ce titre, son participe passé s’accorde avec le COD si ce dernier le précède et non avec le sujet, comme je le fais. Euh!…

 Devrais-je, dans mon meilleur anglais, m’écrier « Touché ** »? Je le pourrais, mais je ne le ferai pas. Pour la simple raison qu’il y a un hic. Peut-être devrais-je dire des hics.

** used to acknowledge […] the appropriateness of an argument, an accusation, or a witty point. (Merriam-Webster)

Le hic, c’est que le verbe approprier auquel on recourt pour justifier qu’il est accidentellement pronominal, est précédé, dans Le Petit Robert, de la marque d’usage Vx. Cette marque, ce dictionnaire l’accole, sauf erreur, à tout « mot, sens ou emploi de l’ancienne langue, incompréhensible ou peu compréhensible de nos jours et jamais employé, sauf par effet de style : archaïsme. »

Voir un procureur de la Couronne (ministère public) recourir, pour démontrer la pertinence de l’accusation, au sens d’un mot qui ne s’utilise plus, d’un mot qui, à la limite, serait de nos jours incompréhensible me semble fort risqué. Car l’avocat de la partie adverse pourrait appeler à la barre Maurice Grevisse, qui, lui, n’hésiterait pas témoigner que :

« dans un grand nombre de verbes pronominaux qui se présentent comme subjectifs [ou non réfléchis], on peut, en remontant à l’ancienne langue et à l’étymologie, découvrir un sens réfléchi […] Mais, pour le sens linguistique moderne, ces verbes ne sont plus pensés comme réfléchis : on peut donc les ranger au nombre des pronominaux non réfléchis. » (# 1386)

Ne serait-ce pas précisément le cas de s’approprier?… Il semble bien que oui.

Dans l’ancienne langue, le verbe approprier signifiait, nous dit Le Petit Robert, « Attribuer en propre à qqn ». Il pouvait donc, en ce temps-là, être utilisé à la forme pronominale et signifier : « attribuer en propre à soi-même ». Il était alors vraiment pronominal réfléchi. Mais de nos jours, approprier (à la voix active) n’a plus du tout ce sens. Il signifie plutôt : « Rendre propre, convenable à un usage, à une destination ». Il ne peut donc plus être pensé comme pronominal réfléchi. Il vaudrait mieux, nous dit Grevisse, le ranger parmi les pronominaux non réfléchis (ceux dont le pronom conjoint n’est ni objet direct, ni objet indirect, mais un simple morphème verbal). Et dans un tel cas, le participe passé s’accorde avec son sujet (# 1943). Et c’est précisément ce que j’ai fait. Je ne suis donc pas fautif.

Dans ce cas, ne serait-il pas plus pertinent de considérer que, de verbe accidentellement pronominal qu’il pouvait être autrefois, le verbe s’approprier est devenu, en raison de son changement de sens, un verbe essentiellement pronominal? Je me range derrière Grevisse et réponds OUI. Sans hésitation. Au fait, l’avez-vous déjà utilisé ou vu utilisé autrement qu’à la voix pronominale? Moi, jamais. D’ailleurs Le Petit Robert l’admet implicitement en ajoutant la marque d’usage Cour. à la construction pronominale de ce verbe. L’accord que j’ai fait de son participe est donc conséquent.

Le deuxième hic, dont l’importance n’est peut-être pas négligeable, c’est que, dans aucune des éditions du DAF, le verbe approprier n’a l’acception que mentionne Le Petit Robert, à savoir Attribuer en propre à qqn. Si l’on s’en sert pour justifier que le verbe est accidentellement pronominal, connaître la source de cette acception (portant la marque d’usage Vx) et la vérifier revêt alors une très grande importance. J’ai cherché autant comme autant. Mais en vain.  Conséquemment, cet argument perd de sa force, de sa pertinence. Jusqu’à preuve du contraire. 

Je me risque à parler d’un troisième hic.

Dans la première édition du DAF (1694), le verbe approprier se voit attribuer deux acceptions. La première, en tant que v. n. p. (ou verbe neutre passif); la seconde, en tant que v. a. (verbe actif) :

« Approprier, S’approprier  v. n. p. Usurper la proprieté de quelque chose. S’approprier un heritage. peu à peu il s’est approprié les biens dont il n’avoit que l’ administration.

On dit, S’approprier une pensée, s’approprier l’ouvrage d’un autre, pour dire, Se l’attribuer, s’en dire l’Autheur.

Approprier. v. a. Ajuster, ajencer, rendre propre. Il faut approprier cette chambre. il approprie bien son cabinet. il n’ y a qu’ à luy mettre cette maison entre les mains, il l’ aura bientost appropriée. »

Qu’est-ce qu’un v. n. p.? Les Académiciens de l’époque appellent « Verbes Neutres Passifs, Les verbes qui ne se conjuguent qu’avec les pronoms personnels, & marquent action & passion dans le mesme sujet. Comme, Se repentir, se souvenir. » (Voir ICI

Voilà qui est clair. Ce qui ne m’empêche pas de me poser la question suivante : De nos jours, comment qualifie-t-on les verbes qui, comme se repentir et se souvenir, ne se conjuguent qu’avec un pronom personnel réfléchi?  On les appelle des verbes… essentiellement pronominaux!

Peut-être devrais-je préciser que, dans le DAF (4e éd., 1762), les Académiciens s’expriment d’une façon plus explicite :

« APPROPRIER. v. a. Qui n’a d’usage qu’avec le pronom personnel mis pour à soi. Usurper la propriété de quelque chose. S’approprier un héritage. Peu à peu, il s’est approprié les biens dont il n’avoit que l’administration. »

Et, en 1797, Féraud, qui n’est pas reconnu pour être un béni-oui-oui, opine du bonnet :

« Le véritable emploi de ce verbe est avec le pron. pers. s’aproprier; usurper la propriété d’une chôse; s’aproprier un héritage. »

Vous comprenez qu’il m’est impossible, après cela, de le dire accidentellement pronominal. Là, c’est mon correspondant qui devrait s’écrier : « Touché ». 

Divergence de vues

Le différend qui m’oppose à mon correspondant tient, semble-t-il, à la façon que chacun de nous a de catégoriser ce pronominal. Moi, je le vois comme essentiellement pronominal. Lui, semble le voir comme accidentellement pronominal. Je dis semble, parce qu’il ne s’est jamais formellement prononcé sur le sujet. C’est moi qui lui mets ces mots dans la bouche. J’ose espérer, ce faisant, ne pas trahir sa pensée.

Mon correspondant voudrait-il, de guerre lasse, me concéder ce point, i.e. reconnaître que ce verbe est bel et bien, de nos jours, essentiellement pronominal, tout en continuant de dire que seul l’accord qu’il fait est bon, qu’il ne le pourrait pas. En effet, le seul verbe essentiellement pronominal reconnu par l’Académie dont le participe passé s’accorde avec son COD (et non pas avec son sujet) est s’arroger (5).

Mon correspondant ne peut que maintenir sa position : s’approprier est, encore de nos jours, un verbe accidentellement pronominal, verbe dont le participe passé ne doit pas s’accorder avec son sujet, mais bien avec son COD (6). Et ce, même si, à l’analyse, il peut difficilement être dit tel! 

Si l’Académie le dit…! Mais est-ce bien ce que l’Académie nous dit? (7)

Pourquoi tant de chinoiseries? Il serait tellement plus simple d’abonder dans le sens de Ferdinand Brunot. Voici la solution qu’il préconise dans son ouvrage La langue et la pensée :  

« Tout verbe de forme pronominale, que ce verbe soit actif, passif, réfléchi, réciproque, du moment qu’il est construit avec être, accorde, comme les verbes simples conjugués avec être, son participe passé avec son sujet […]

Il n’y a qu’une exception. Si le verbe peut être tourné par le participe avec avoir, et que le pronom SE […] ne soit pas complément d’objet direct, on applique la règle des verbes conjugués avec avoir. »  

Adopter cette règle serait, à n’en pas douter, la solution idéale. Plus personne ne ferait de faute. Trop simple toutefois pour être acceptée par les régents, car ils ne seraient plus les maîtres incontestés de toutes les aberrations, les anomalies, les inconséquences, les incongruités de la langue française. Choisissez le mot que vous préférez.  

J’allais oublier. J’ai peut-être fait une faute en écrivant : Ils se sont appropriés le titre de… Mais une faute… intelligente, à savoir une faute qui n’en est pas vraiment une. C’est que j’ai osé recourir à ma logique plutôt qu’à ma mémoire. J’ai oublié l’espace d’un instant que la langue et la logique ne font souvent pas bon ménage.

Je devrais donc faire mon Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa, comme je l’ai appris dans ma jeunesse, sans nécessairement y croire. Mais je n’y arrive pas. Devoir admettre que s’approprier est un verbe accidentellement pronominal quand en fait il a toutes les apparences d’un verbe essentiellement pronominal, c’est trop me demander. 

Maurice Rouleau

(1) Dans son ouvrage Difficultés et finesses de notre langue (Éd. André Bonne, Paris, 1952), René Georgin a consacré quelques pages à l’accord du participe passé. Il a intitulé son propos : AH! CES PARTICIPES PASSÉS ! (p. 105-111)

On peut y lire :

« L’accord du participe passé dans les verbes pronominaux est particulièrement délicat et demande tout un exercice de réflexion, toute une gymnastique grammaticale. » [Que voilà une façon fort élégante de dire qu’on s’y casse facilement les dents!]

Et il termine par :

« Toutes ces règles d’accord, singulièrement dans les verbes pronominaux, sont fort compliquées, pour ne pas dire un peu chinoises [s’il vivait encore, il serait assurément pris à partie pour avoir utilisé un tel adjectif et s’en excuserait sans doute], et il ne serait pas superflu d’y apporter quelques simplifications. Mais cela, c’est une autre histoire… »

(2) Dans son Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne (2e éd., Duculot, Paris – Louvain-la-Neuve, 1987), Joseph Hanse se penche lui aussi sur l’accord du Participe passé des verbes pronominaux. (p. 699-703)

On peut y lire :

« Autre cas d’une règle toujours contraignante et souvent respectée, à laquelle il faut sans doute encore se soumettre, mais qui est arbitraire, tardive, contraire à une tendance de l’usage classique et souvent transgressée dans le meilleur usage, même par d’excellents écrivains. Il faut donc souhaiter que, conformément à la logique, à l’histoire de la langue et à certaines tendances de l’usage actuel, on renonce à imposer cette règle et qu’on puisse accorder le participe avec le sujet, puisqu’il est conjugué avec être. »

(3) Je me vois mal en train de qualifier de réfléchi le pronom qui fait partie d’un verbe pronominal non réfléchi (ex. la tour s’est écroulée). J’aurais l’impression, désagréable, de tenir des propos irréfléchis. Simple question de logique, je vous dirais. J’ai la même réserve quand il s’agit d’un verbe pronominal de sens passif (ex. sa maison s’est vendue rapidement) ou encore, mais à un degré moindre, quand il s’agit d’un v. pronominal réciproque, car l’action d’un tel verbe est exercée sur l’autre et non, à proprement parler, sur soi-même (ex. Ils se sont encore battus).

Quant à censément préfixé ou encore agglutiné, ils disent peut-être ce qu’est ce pronom, mais de façon moins évidente que conjoint, qui, lui, colle mieux à la réalité : c’est parce qu’il est joint à un verbe que ce dernier est dit pronominal.

D’où ma préférence, nettement marquée, pour conjoint.

(4) Voici ce que nous dit Grevisse :

« Dans les verbes pronominaux subjectifs (ou non réfléchis), le pronom conjoint [pourquoi croyez-vous qu’il a utilisé cette fois-ci l’adjectif conjoint et non pas réfléchi?] me, te, se, etc. — qu’on pourrait appeler censément préfixé ou agglutiné — est comme incorporé au verbe et n’a qu’une valeur emphatique, ou affective, ou vague : il ne joue aucun rôle de complément d’objet et sert simplement, du moins dans certains cas, à mettre en relief l’activité personnelle du sujet ou à marquer un intérêt particulier de ce sujet dans l’action; ce pronom conjoint me, te, se, etc. est une sorte de particule flexionnelle, de morphème verbal, de « reflet » du sujet, et ne doit pas, dans l’analyse, être distingué de la forme verbale […]  (# 1386)

« Le participe passé des verbes pronominaux avec pronom censément préfixé ou agglutiné (qui n’est ni objet direct ni objet indirect, mais un simple morphème verbal) s’accorde avec le sujetIls se sont échappés/Elles se sont souvenues de mes promesses. » (# 1943)

(5)  Depuis 1694, date de parution de la première édition de son dictionnaire, l’Académie est formelle : «  [Arroger] ne se dit jamais sans le pronom personnelIl s’arroge injustement un pouvoir. » (Voir ICI)  

Puis-je me permettre de vous rappeler que l’Académie en disait autant, à l’époque, du verbe approprier?…

S’arroger n’a donc toujours été qu’essentiellement pronominal. Comme tant d’autres d’ailleurs. Je pense, par exemple, à s’abstenir, s’ébattre, se gausser, s’insurger, se méfier, se repentir, se targuer, se vautrer. Mais contrairement à tous ses semblables, lui — et lui seul —, nous dit la grammaire, a la particularité de commander un complément d’objet direct : s’arroger qqch. Lui — et lui seul— voit son participe passé s’accorder avec son complément d’objet (s’il précède le verbe) et non avec son sujet, comme le prescrit la grammaire. Il faut donc, pour ne pas faire de faute, écrire : Elle s’est arrogé (et non arrogée) des titres qui ne lui appartiennent pas. Les titres qu’elle s’est arrogés (et non arrogée).

(6) N’allez pas penser que s’approprier est le seul verbe « accidentellement pronominal » dont l’accord du participe passé pose problème. S’imaginer en est un autre bel exemple (Voir ICI)  

(7) Un correspondant m’a fait voir que l’Académie nous dit, sans le dire clairement, que le verbe s’approprier est un verbe essentiellement pronominal, puisqu’elle fait, comme il se doit. l’accord de son participe passé avec le sujet du verbe. (Voir ICI)    

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14 commentaires pour S’approprier (accord du participe passé)

  1. Sophie Lemaire dit :

    Abonnement

  2. Gilles Colin dit :

    J’adhère une nouvelle fois à votre démarche. Il n’est rien de pire que les certitudes.

  3. Gilles Colin dit :

    L’Académie française indique l’accord pour la forme pronominale : https://www.dictionnaire-academie.fr/conjuguer/A9A2272

    • rouleaum dit :

      Une erreur s’est certainement glissée, car, à l’adresse indiquée, j’ai trouvé la conjugaison du verbe approprier , en tant que verbe actif et non pronominal.

  4. Gilles Colin dit :

    Il suffit de cliquer sur pronominale (Voix active passive pronominale).

    • rouleaum dit :

      L’erreur était mienne. Je m’en excuse.
      En cliquant sur pronominal, je constate que l’Académie fait l’accord avec le sujet.

      J’ignorais pouvoir m’en référer à l’Académie.

      Merci

  5. Cyrille dit :

    INSCRIPTION

  6. Gilles Colin dit :

    Je viens d’adresser ce message à l’Académie française :
    Bonjour. Pourquoi les tableaux de conjugaison dont ceux du dictionnaire de l’Académie française indiquent-ils l’accord du participe passé avec le sujet pour le verbe s’approprier ? Dans l’usage, seul l’accord de ce participe avec le COD placé antérieurement semble admis. Merci.

    • rouleaum dit :

      Sans doute parce qu’elle considère ce verbe comme essentiellement pronominal.
      Tout comme moi. J’ignorais que l’Académie l’accordait avec le sujet. Ce n’est pas parce que l’Académie le fait que je l’ai fait.
      Si jamais vous recevez une réponse, auriez-vous l’obligeance de m’en informer.

  7. Sandrine Moulin dit :

    Je découvre votre blogue avec cet article vraiment très intéressant.

  8. Pieryves dit :

    Si l’on remplace s’approprier par s’offrir, selon vous cela donnerait : elles se sont offertes une semaine au bord de la mer. Or il me semble que l’on dit et écrit : elles se sont offert etc. Mais on peut imaginer et écrire qu’au cours de cette semaine, elles se sont offertes au bord de la mer, laissant sur le sable les traces d’une virginité qu’un quidam s’est appropriée

    • rouleaum dit :

      Votre commentaire me laisse fort perplexe.

      J’ai relu mon texte très attentivement dans l’espoir d’y trouver matière à correction. Car, contrairement à ce que vous prétendez (ou croyez avoir compris), jamais je n’aurais écrit : « elles se sont offertes une semaine au bord de la mer. » Sauf si j’en avais fumé du bon la veille! Je vous rassure tout de suite, je ne m’adonne pas à ce genre d’activité. Mais une erreur est toujours possible. J’’ai donc relu mon texte, mais en vain.

      J’aurais, tout comme vous, écrit : « elles se sont offert une semaine… »

      Et, tout comme vous, j’aurais écrit : « elles se sont offertes [se donner] au bord de la mer… » Je n’aurais toutefois pas utilisé le verbe s’approprier [faire sienne] pour dire ce que le quidam a fait de la virginité des principales « intéressées ». Mais passons.
      Le malentendu tient peut-être au fait que vous assimilez : offrir et s’offrir à approprier et s’approprier. Cs deux formes pronominales ne sont pas comparables.
      « S’offrir », c’est offrir soi-même (COD).
      « S’approprier », c’est approprier à soi-même (COI).

      « S’offrir » est un verbe accidentellement pronominal.
      « S’approprier » est un verbe que l’on veut accidentellement pronominal, mais qui, dans les faits, serait plutôt essentiellement pronominal.

      C’est ce que j’ai tenté d’expliquer dans mon texte. Peut-être pas assez clairement… Vous m’en voyez désolé.

  9. Gilles Colin dit :

    Je n’ai pas eu de réponse de l’Académie française.
    J’ai constaté que les exemples sont nombreux dans les tableaux de conjugaison du dictionnaire de ladite académie où l’on peut rester perplexes pour l’accord du participe passé des verbes pronominaux.
    Il me semble que le sens ancien (et parfois suranné) prévaut souvent, comme pour approprier, ainsi que le montre ce billet de « Dire ne pas dire » :

    Ils se sont persuadés que… ou Ils se sont persuadé que… ?
    Le 4 mars 2021
    Emplois fautifs

    Qui parcourrait les différentes éditions de notre Dictionnaire pourrait se poser la question. On lisait en effet dans la cinquième, en 1798, « Ils s’étaient persuadés qu’on n’oserait les contredire », alors que dans la suivante, en 1835, était écrit « Ils s’étaient persuadé qu’on n’oserait les contredire ». Quelques décennies plus tard, Littré expliquait cette apparente contradiction et écrivait au sujet de ce participe passé : « On peut le faire accorder ou ne le pas faire accorder à son gré : si on supprime le s, on s’appuie sur ce que l’on dit : persuader une chose à quelqu’un ; si on met le s, on s’autorise de ce que l’on dit également : persuader quelqu’un d’une chose. » La neuvième édition de notre Dictionnaire illustre par l’exemple les propos du grand lexicographe en distinguant Elle s’est persuadée qu’on lui en voulait (dans ce cas, le pronom s’ est le C.O.D. du verbe persuader) d’Elle s’est persuadé l’aimer encore (nous avons là le tour plus littéraire « persuader une chose à quelqu’un » et, dans ce cas, le pronom s’ est C.O.I. de ce même verbe persuader).

  10. schtroumpf grognon dit :

    Je ne fais jamais la distinction entre les verbes essentiellement pronominaux et les verbes accidentellement pronominaux, qui ne sert à rien. Je répartis les verbes pronominaux en quatre groupes selon le sens:
    sens réfléchi
    sens réciproque
    sens passif
    verbes pronominaux subjectifs
    Les verbes pronominaux subjectifs regroupent les verbes pour lesquels le pronom «se» est inanalysable. Ils contiennent les verbes essentiellement pronominaux et certains verbes accidentellement pronominaux. S’il y a un COD visible, le participe reste invariable.

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