Traducteur : une profession dépassée?  (2 de 4) 

Le traducteur a-t-il encore sa raison d’être?

— Traduction, Révision ou Post-édition? —

 

Dans le précédent billet, j’ai voulu vérifier si les craintes formulées par un ex-collègue étaient réellement fondées. Il m’avait semblé dépassé par les événements : ses étudiants, au lieu de se servir de leurs neurones, se contentent trop souvent, m’a-t-il dit, de recourir à un logiciel de traduction. Ils lui disent presque, à leur façon, qu’il n’a rien à leur apprendre! La traduction automatique (TA) est devenue pour lui une menace. C’est du moins ce que j’ai compris de ses doléances.

  • Vérification faite, sommaire j’en conviens — seulement trois courts textes soumis à cinq logiciels —, force m’est de reconnaître que la TA a du potentiel. Beaucoup plus que je ne l’aurais cru. Faut dire à ma décharge que, du temps que j’enseignais, je ne m’étais jamais trop intéressé à cet aspect du problème, car mon emploi, à lui seul, était garant de la supériorité de l’homme sur la machine. Si tel n’avait pas été le cas, on ne m’aurait pas engagé comme professeur. C’est du moins ce que je me plaisais à croire. Mais mon ex-collègue, lui, toujours actif, ne s’illusionne plus.
  • Presque au même moment, j’apprends, à ma grande surprise, que, dans certains bureaux ou cabinets de traduction, on réserve une place de plus en plus importante à la TA. Avant d’opérer un tel virage, les responsables de ces bureaux ou cabinets ont dû faire, du moins je l’espère, une étude — comparable et surtout plus poussée que celle décrite dans mon précédent billet — afin de déterminer la pertinence de l’emploi d’un logiciel de traduction et, le cas échéant, de choisir celui qui donne les meilleurs résultats. On ne prend pas une telle décision sans avoir préalablement fait le tour de la question. Et d’en avoir mesuré toute la portée. C’est du moins la façon dont moi je procéderais.

De toute évidence, le monde de la traduction a bien changé depuis que j’y ai mis les pieds… et que j’en suis sorti! Les traductions ne sont certes pas appelées à disparaître, mais les traducteurs, eux, le sont peut-être. L’avenir seul le dira…

Devant ce double constat — inattendu, je dois le reconnaître —, mes neurones se sont affolés. M’est alors revenu en mémoire ce que me disait mon professeur de philosophie : « Laissez faire à l’éléphant ce que l’éléphant peut faire. » Pourquoi, par exemple, vouloir maintenir la corvée d’épluchage de pommes de terre si le même travail peut être fait, beaucoup plus rapidement, par une machine? Poser la question, c’est y répondre. Alors, si un logiciel de traduction donne d’assez bons résultats, et plus rapidement que l’homme, laissons-lui faire le travail et consacrons-nous à autre chose. Je ne vois pas où est le problème. Du moins en théorie.

Mais un tel revirement n’est pas sans créer des bouleversements. Des bouleversements  dans la formation des langagiers (remarquez que je n’ai pas dit : formation des traducteurs, car leur sort semblerait incertain); dans le travail que l’on attend d’eux; et dans la qualité des traductions ainsi produites (dont il sera question dans le prochain billet).

Voici donc des questions qui me trottent dans la tête depuis que mon ex-collègue m’a fait part de son désarroi.

  • Si une traduction peut être faite par un ordinateur, la carrière de traducteur est-elle en danger? Serait-elle, dans le pire des cas, menacée de disparition?
  • Pourquoi engagerait-on un traducteur si la machine peut faire le travail à sa place?
  • De quoi l’industrie langagière actuelle (i. e. le secteur d’activité où la langue joue un rôle fondamental) a-t-elle le plus besoin?
  • Si le marché du travail a changé à ce point, le programme d’études universitaires a-t-il, lui aussi, changé? S’est-il adapté à cette nouvelle réalité?
  • Si oui, quelles modifications lui a-t-on apportées?
  • Si non, les départements de traduction ne devraient-il pas revoir la mission qui est (ou qui fut) la leur, à savoir former des traducteurs?
  • Quelles compétences un éventuel employeur recherchera-t-il bientôt chez un traducteur frais émoulu?
  • Quelle tâche lui attribuera-t-il, étant donné que c’est la machine qui fait le plus gros du travail?
  • Lui demandera-t-il, à lui qui n’a que peu d’expérience, de jouer le rôle de réviseur, dont la mission sera d’améliorer, le cas échéant, la qualité des traductions faites par la machine?
  • Si oui, possède-t-il vraiment les compétences voulues pour faire ce travail, si tôt dans sa carrière?
  • Combien de cours de révision le nouveau diplômé a-t-il suivis pour qu’on lui demande, du jour au lendemain, d’être réviseur plutôt que traducteur? Un seul, comme dans mon temps? Pourtant, on fait suivre plusieurs cours de traduction à celui qui veut devenir traducteur.
  • Serait-ce donc si simple d’être réviseur? Pourtant, voilà quelques années, cette tâche était réservée uniquement à un traducteur chevronné!

Voilà autant de questions qui me chicotent.

En consultant divers forums de discussion, j’ai pu constater que tous ne voient pas la traduction automatique du même œil. Le propriétaire d’un cabinet de traduction y voit un moyen d’augmenter son chiffre d’affaires. Le traducteur indépendant, lui, se sent piégé, car le tarif qu’il commandait auparavant est revu à la baisse, une baisse parfois non négligeable (de 0, 221 $/mot à 0,059 $/mot). Quant au traducteur qui ne travaille pas à son compte, il ne peut que s’en accommoder. Ce travail, même s’il ne correspond pas réellement à la formation qu’il a reçue, lui permet au moins de gagner sa vie.

Comme on dit en grec 😉 : All this has changed!

Une nouvelle venue dans le domaine :  la post-édition

En fouillant un peu plus la question de la TA, j’ai découvert qu’une nouvelle activité reliée à ce type de traduction a fait son apparition : la post-édition. Ah bon!… « Qu’est-ce que cela peut bien manger en hiver? » (façon toute québécoise de s’enquérir de la nature d’une chose qu’on ne connaît pas).

La post-édition n’existerait que parce que la TA existe. L’une serait née de l’autre. L’une n’existerait pas sans l’autre. Soit. Mais…

Mais en quoi consiste réellement la post-édition?

Difficile à dire pour sûr, car ni le Petit Robert 2018, ni le Larousse en ligne n’incluent ce terme dans leur nomenclature. J’y trouve toutefois ses deux éléments de formation (post et édition) qui, en temps normal, permettent au lecteur qui connaît le latin et le grec — une espèce de plus en plus rare, pour ne pas dire presque disparue — de cerner le sens d’un mot inconnu. Mais dans ce cas-ci, c’est peine perdue. Pour une raison fort simple, la définition que les dictionnaires courants donnent du mot édition, à savoir « action d’éditer ou texte ainsi édité », ne colle pas à la réalité dont il semble être question ici : cette action ou son produit peuvent difficilement, selon moi, admettre un après (qui en latin se dit post). Ce qui peut arriver à un ouvrage après sa parution, c’est d’être très recherché par les lecteurs (il est alors en librairie); d’être beaucoup moins en demande (il est alors stocké chez l’éditeur); d’être du bois mort, même pour l’éditeur (il est alors mis au pilon). Alors… que peut bien vouloir dire post-édition?…

Wiktionnaire

Étant donné que les dictionnaires courants ne me sont d’aucun secours, j’en suis réduit à chercher sur Internet la définition de ce terme. Je la trouve sur le Wiktionnaire. La définition qu’on donne de post-édition est la suivante :

Activité de traduction qui s’appuie sur un système de traduction automatique dont la production est ensuite révisée (ses erreurs rectifiées) par un professionnel.

Cette définition me dit clairement que celui qui fait de la post-édition fait une activité de traduction. Ou, dit plus simplement, qu’il fait de la traduction. Et chacun sait que celui qui fait de la traduction est appelé traducteur. Il faut donc être traducteur pour faire de la post-édition! Soit. Mais ce traducteur, nous dit-on, utilise un système de traduction automatique. Ce n’est donc pas lui qui traduit, mais bien l’ordinateur! Alors que fait le traducteur s’il ne traduit pas?… Je me le demande.

Poursuivons donc l’analyse de cette définition. On ajoute que la traduction, que le traducteur n’a pas faite, est ensuite révisée (ses erreurs rectifiées) par un professionnel. Soit. De quel professionnel parle-t-on ici? On ne parle certainement pas d’un traducteur — la formulation aurait été différente —; il ne peut donc s’agir que d’un professionnel de la révision, ou réviseur.

C’est donc dire que le traducteur qui fait de la post-édition ne fait, selon cette définition, ni traduction (c’est la machine qui la fait), ni révision (c’est un professionnel qui s’en charge). Serait-ce pour occulter cette « supercherie » qu’on l’appelle post-éditeur?… C’est à n’y rien comprendre.

Si cette définition est correcte, je ne vois pas pourquoi on embaucherait un traducteur pour faire de la post-édition, i.e. pour faire traduire un texte par une machine. Le faire me semble aussi aberrant que d’engager un dentiste comme conducteur de taxi. On devrait, me semble-t-il, lui demander de faire ce qui correspond mieux à ses compétences. À moins que…

À moins que la définition que le Wiktionnaire donne du terme post-édition ne soit pas correcte. Est-ce envisageable?… Rien n’est impossible. Chose certaine, elle sème le doute dans mon esprit. Et je ne suis pas le seul. Wikipédia a lui aussi quelques réserves. C’est du moins ce que je comprends de la présence, avant la description même du terme, d’un encadré qui dit :

Cette entrée est considérée comme une ébauche à compléter en français. Si vous possédez quelques connaissances sur le sujet, vous pouvez les partager en modifiant dès à présent cette page (en cliquant sur le lien « modifier ».

D’après moi, on ne lance pas une telle invitation sans raison…

Vue sous cet angle, la post-édition n’a assurément pas sa place dans un cursus de traduction. Quiconque s’y connaît un tant soit peu en informatique est capable de faire traduire un texte par un logiciel. Pas besoin d’un cours universitaire pour cela. Il  n’y a donc rien d’étonnant à ce que la post-édition ne fasse l’objet d’aucun cours formel.

D’où vient donc le terme post-édition?

Je le soupçonne d’être un calque, un calque de l’anglais. Un anglicisme, quoi! Mais est-ce bien le cas? Pour le savoir, il suffit de consulter un dictionnaire unilingue anglais, p. ex. le Merriam-Webster (M.-W.).

On y trouve effectivement postediting, qui, nous dit-on, s’utilise à toutes les sauces : comme nom, comme adjectif , voire même  comme adverbe. Il signifie occurring after editing. Exactement ce que laissent entendre ses éléments de formation.

Quel sens a donc editing pour qu’on puisse sans réserve, contrairement au verbe français éditer, lui accoler le préfixe post-? Ces deux verbes n’ont vraisemblablement pas le même sens. Parmi les acceptions que le M.-W. attribue au verbe to edit , il en est une que le mot français éditer n’a pas. La voici :

to alter, adapt, or refine especially to bring about conformity to a standard or to suit a particular purpose.

Le M.-W. va même jusqu’à nous en proposer quelques synonymes : redraft, revamp, revise, rework. Alors tout s’éclaircit. Pour l’anglophone, to edit signifie, entre autres, réécrire, retaper, réviser, retravailler un texte. Ce qui ne se fait, évidemment, qu’après la production de ce texte. D’où la présence du préfixe post-! C’est l’évidence même. Pour un anglophone. Mais pour un francophone, l’évidence n’est pas au rendez-vous.

Force est de reconnaître que le francophone qui utilise post-édition n’a fait qu’habiller à la française le mot anglais postediting. Il donne du fait même à édition un sens que ce mot français n’a pas. Du moins pas encore. Autrement dit, pour bien saisir ce qui se cache derrière le terme post-édition, il faut connaître l’anglais. Sinon, on ne s’y retrouve pas. Ou, ce qui est encore pire, chacun lui attribue le sens qu’il veut bien lui donner.

Tout compte fait, pour un anglophone, faire du postediting, c’est l’équivalent de faire de la révision. Rien de plus. En effet, cette définition ne contient aucun autre trait définitoire qui permette de penser autrement. Pourquoi alors l’anglais a-t-il créé un néologisme, postediting, plutôt que d’utiliser le terme déjà existant, revising, qui veut pourtant dire : ʺlooking over again in order to correct or improve : revising a manuscriptʺ. Serait-ce que la définition de postediting rédigée par un lexicographe ne serait pas exacte?… Qui sait?

Le dictionnaire M.-W. a donc sa définition, mais le Wiktionary a aussi la sienne :

The process whereby humans amend machine-generated translation to achieve an acceptable final product. A person who post-edits is called a post-editor.

Vous l’aurez sûrement noté, elle diffère de celle du M.-W. par un trait définitoire. L’action décrite  par le terme postediting (to amend : corriger) ne concerne qu’une seule catégorie de traductions, celles faites par une machine (machine-generated translation). Le terme ne s’utiliserait donc correctement que dans ce sens!

Qui faut-il croire? Le lexicographe qui travaille pour le M.-W. ou la personne qui a rédigé la définition qu’en donne le Wiktionary? Euh!… Je ne devrais pas avoir à choisir le dictionnaire qui donne la bonne définition, car, quand j’en consulte un,  c’est pour connaître le sens exact d’un mot. Pas pour être confronté à un dilemme. Même si c’est ce qui se produit ici. Il ne me reste plus qu’à espérer que le sens exact se précisera avec le temps et que les dictionnaires finiront par s’entendre sur sa définition.

Chose certaine, quand j’entends parler de postediting, il s’agit toujours de retoucher, de retaper, de retravailler un texte. Autrement dit de le réviser. Et non de le traduire. La traduction, elle, c’est la machine qui s’en charge. Par définition même.

Révision ou post-édition?

Pourtant le mot français qui vient immédiatement à l’esprit quand on fait ce que dit le Wiktionary, c’est révision, un terme qui n’a pas l’opacité de post-édition. Mais étant donné que l’anglais a opté pour postediting, le français s’est senti obligé d’en faire autant. Il lui a alors donné une allure française : post-édition. Sans se rendre compte que ce terme était mal construit.

Étant donné qu’il s’agit de faire la révision d’un texte généré par ordinateur, une question se pose : l’action de post-éditer diffère-t-elle fondamentalement de celle de réviser?… Au point qu’il faille lui attribuer un nom qui la distingue?… J’en doute fort. Je m’explique.

Supposons qu’en raison d’un surcroît de travail et du délai qui vous a été imparti par votre donneur d’ouvrage, vous, propriétaire d’un cabinet de traduction, devez faire appel à un traducteur indépendant qui, paraît-il, travaille vite et bien. Supposons également que ce dernier est à la hauteur de sa réputation et qu’il vous remet sa traduction en temps voulu. Vous voudrez certainement, avant de la faire parvenir à votre donneur d’ouvrage, vous assurer de la qualité de son travail, car c’est votre nom, et non le sien, qui est en jeu.

Dans un tel cas, diriez-vous que vous faites la révision ou la post-édition de sa traduction?… Soyez honnête, vous n’en savez rien. Et ce, tant et aussi longtemps que vous ignorez si le traducteur en question a, oui ou non, utilisé un logiciel de traduction, la qualité de la traduction n’étant pas un critère fiable pour en décider (1). S’il l’a fait, vous en feriez la post-édition; dans le cas contraire, vous en feriez la révision! Autrement dit, vous ne savez pas ce que vous faites; seul le traducteur le sait! Ne trouvez-vous pas la situation plutôt cocasse?… Moi, si.

J’en suis même à me demander si le besoin de recourir à un terme spécial pour désigner le fait de réviser une traduction générée par ordinateur est justifié. Honnêtement, je n’en vois pas le besoin. Éplucher des pommes de terre à la main ou à la machine, ça reste de l’épluchage de pommes de terre. On n’a pas changé le nom de l’opération pour autant. Heureusement que l’on n’a pas cru bon d’appeler différemment le fait de chercher une définition dans un dictionnaire électronique plutôt que dans un bon vieux dictionnaire papier! Pourquoi alors vouloir utiliser un nouveau terme pour désigner un même travail, uniquement parce que la traduction a été produite par la machine plutôt que par l’homme?… Pour faire chic?… Pour se distinguer d’un banal réviseur! Peu importe la raison, le diplômé en traduction est devenu, malgré lui, peut-être même sans le savoir, post-éditeur!

Et le travail à faire est-il différent?

Les fautes commises par la machine diffèrent-elles de celles commises par l’homme au point qu’il faille au « post-éditeur » des connaissances spéciales pour les corriger, i.e. pour assurer la qualité des traductions ainsi produites? Je me permets d’en douter. Mais, si tel est le cas, les programmes universitaires ne devraient-ils pas les enseigner aux futurs langagiers?… Poser la question, c’est, me semble-t-il, y répondre. Mais les professeurs d’université sont-ils assez près du marché du travail pour en connaître les exigences? Et conséquemment pour apporter au cursus les modifications qui pourraient s’imposer? Si oui, force m’est de reconnaître qu’à leurs yeux le travail est exactement le même, car le programme d’études n’a pas changé. Si non, il leur faudra se mettre à la tâche le plus vite possible, s’ils ne veulent pas être trop dépassés par les événements.

Que dire alors de la qualité des traductions générées par la machine?

On m’a enseigné — et j’en ai fait autant—  qu’une « bonne » traduction, i.e. une traduction qui est à l’abri de tout reproche, doit respecter 5 critères :

  1.  Être fidèle au texte de départ (communiquer le même message);
  2.  Être rédigée dans un français respectueux des codes en usage (orthographe,     grammaire, syntaxe, ponctuation, typographie, etc.);
  3.   Être formulée de façon idiomatique, i.e. ne pas sentir la traduction;
  4.   Être dans le même ton que le texte de départ (équivalence stylistique);
  5.   Être pleinement intelligible par le lecteur auquel elle est destinée (adaptation culturelle).

Les traductions faites par la machine, une fois révisées, doivent-elles, pour qu’on puisse les qualifier de « bonnes », répondre aux mêmes exigences? La question ne devrait même pas se poser. Si je me la pose, c’est que j’ai des doutes, car il est bien connu que les choses ne se disent pas nécessairement de la même façon dans toutes les langues. Il y a de grosses différences entre, par exemple, l’anglais et le français. La stylistique comparée est une réalité à laquelle tout traducteur ou réviseur et, à plus forte raison, tout post-éditeur devraient être sensibilisés.

C’est dire que le caractère idiomatique d’une traduction (critère n° 3 mentionné ci-dessus) revêt une importance toute spéciale. La question devient alors : « Est-ce qu’une traduction générée par ordinateur est formulée de façon idiomatique? » Il le faudrait, sinon elle risque fort de sentir la traduction à plein nez, de n’être qu’un mot à mot du texte anglais.

Pour pouvoir intervenir adéquatement sur une traduction générée par la machine, il faut indéniablement savoir ce qui différencie le français de l’anglais. Je me suis très tôt dans ma carrière intéressé à cet aspect de la langue. J’ai même publié une série de billets sur le sujet (cliquez sur Stylistique comparée que vous trouverez, sous Catégories, dans la colonne de droite).  Vous y découvrirez quelques prédilections de l’anglais : un goût très prononcé pour le concret; pour le particulier; pour la coordination; pour la juxtaposition; pour la personnalisation du discours; pour le déroulement de l’action; pour l’ordre canonique des mots dans la phrase, etc.

Si la traduction générée par ordinateur ne fait que reproduire les façons anglaises de dire,  elle n’aurait rien de français, sauf les mots.

Tout revient à se demander si un texte traduit par une machine peut être formulé de façon idiomatique. Les logiciels de traduction sont-ils capables d’une telle « prouesse »?

C’est ce que nous examinerons dans le prochain billet.

À SUIVRE

Maurice Rouleau

(1)  Supposons que vous avez confié à deux traducteurs indépendants la tâche de traduire le paragraphe suivant, tiré d’un texte qui date des années 1990 :

Are Books Becoming Obsolete?

My son Michael recently startled me with his remark that books are falling from favor, even with librarians. Books become dogeared by readers, spoiled by highlighting marks, and dirtied with remains of peanut butter and jelly. Some librarians much prefer pristine silicon databases, read by using cathode ray tubes. This jarred me because I love books, particularly old ones.

Et que le premier vous remet la traduction suivante :

Est-ce que les livres deviennent vieux?

Récemment mon fils Michael m’a inquiété avec ses commentaires d’être pour que les livres se déclinent, même les bibliothécaires. Les livres deviennent par les lecteurs, des pages cornées, gâchés par souligner les marques et salis avec les restes de beurre de cacahouète et de gelée. Certains bibliothécaires sans tache de silicone de base de données, lire un utilisant des tubes cathodiques. Cela m’ébranle parce que j’aime les livres, en particulier les vieux livres.

Et  le second, celle-ci :

Les livres deviennent-ils obsolètes?

Mon fils Michael m’a récemment surpris par sa remarque que les livres tombent en disgrâce, même avec les bibliothécaires. Les livres deviennent dogeared par les lecteurs, gâtés par des marques de surbrillance, et souillés de restes de beurre d’arachide et de gelée. Certains bibliothécaires préfèrent de loin les bases de données en silicium vierge, lues à l’aide de tubes cathodiques. Cela m’a choqué parce que j’aime les livres, en particulier les vieux.

Laquelle d’après vous a été produite par un ordinateur?

Vous me diriez que les deux l’ont été que je ne serais pas surpris. La première, parce que ce n’est que du charabia; la seconde, parce que la présence d’un mot anglais dogeared  la trahit.

En réalité, seule la seconde a été produite par un logiciel de traduction, en l’occurrence par Google Translate. La première traduction est le fait d’un étudiant, qui a fini par comprendre que la traduction n’était pas sa tasse de thé.

Force m’est de reconnaître que ni l’une ni l’autre ne rendent vraiment justice au texte de départ. Même si l’une le fait mieux que l’autre.

Voici une traduction qui rend bien, me semble-t-il, le message du texte en question :

Le livre, une espèce en voie de disparition?

L’autre jour, mon fils Michael a passé un commentaire qui m’a fait sursauter. Selon lui, les livres seraient en train de perdre de leur importance, même auprès des bibliothécaires, qui déplorent les dommages que les utilisateurs leur font subir : pages cornées, passages surlignés, traces de nourriture. Certains bibliothécaires disent préférer qu’on les consulte à l’écran. Cette tendance m’agace au plus haut point, car j’adore tenir un livre, tout particulièrement un livre ancien.

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3 commentaires pour Traducteur : une profession dépassée?  (2 de 4) 

  1. David Martin dit :

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  2. Jacinthe Valois dit :

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